This content has been archived. It may no longer be relevant
Contrairement à une vision littéraliste selon laquelle il y eut d’abord l’homme et ensuite la femme, le second récit de la Genèse indique davantage comment Adam en vient à poser son premier regard sur la femme. Cette prise de conscience est précédée d’un sommeil dans lequel le premier homme est comme un enfant indifférent à la sexualité. A son réveil, voyant alors la femme, il s’exclame : « Pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair ! » Ce regard et ce cri marquent le début d’une relation nouvelle dans laquelle deux sujets se manifestent. Si la femme était jusqu’alors invisible aux yeux de l’homme, sa révélation à la conscience de l’homme s’accompagne d’une autre apparition : celle de la personnalité masculine de l’homme. Grâce à la femme et par sa relation avec elle, l’homme prend alors conscience de sa sexualité.
Quelles conceptions de la sexualité ?
Si en découvrant la femme, l’homme éprouve en lui un besoin, il convient de distinguer les besoins physiologiques des appels de type personnel. Les premiers sont essentiels à la survie de toute personne et consistent à boire, manger ou dormir. Les seconds désignent des réalités qui peuvent impliquer une véritable mort psychique ou spirituelle selon les modalités avec lesquelles ils sont vécus.
Notre société actuelle tente de nous faire croire qu’exercer sa sexualité répond précisément à un besoin physiologique. Autrement dit, une personne qui ne pratiquerait pas d’acte sexuel mettrait en péril son équilibre vital. L’Église, pourtant, croit qu’un être humain qui choisirait librement d’être célibataire et chaste ne devient pas nécessairement malade mais peut accéder à sa véritable humanité. Cette idée n’est pas une invention de l’Église mais provient de la Sagesse. Aristote, déjà, avait compris qu’une personne qui n’exercerait pas sa sexualité, ne mettrait pas sa vie en péril, mais parviendrait surtout à s’éprouver elle-même d’une façon nouvelle. Dès l’Antiquité, diverses civilisations et religions reconnaissent que l’homme sage et raisonnable à qui on peut se confier, est celui qui en renonçant à exercer sa sexualité ou à s’abandonner aux pulsions sexuelles, comprend qu’il peut parvenir à un univers infiniment plus large que le seul fait d’éprouver tel ou tel plaisir.
L’idéal de célibat ou de chasteté, considéré par l’Église comme l’un de ses biens les plus précieux est ainsi une réalité traditionnelle à laquelle l’homme peut parvenir par sa raison. Cette réalité est même salvatrice pour tout homme car sans elle, l’être humain est incapable de parvenir à la maturité du plaisir sexuel et demeure au contraire dans l’âge infantile masturbatoire. Autrement dit, si je n’apprends pas à m’éprouver moi-même en renonçant à tout acte sexuel, je ne suis pas certain de devenir capable d’entrer dans une authentique relation à l’autre et de devenir pour lui et avec lui une personne. La chasteté éprouvée du corps apparaît dès lors comme un chemin éclairant pour vivre sa sexualité de façon personnelle.
Sur le chemin de l’authentique langage des corps.
En refusant d’emprunter la voie de la chasteté du corps, l’être humain ne parvient pas à savoir comment se donner de manière personnelle et totale dans l’acte sexuel. N’ayant jamais découvert qu’en refusant de se soumettre à sa sexualité, l’homme parviendrait non seulement à mieux se posséder mais surtout à entrer dans une relation plus profonde à l’autre, il considère l’acte sexuel au même titre que celui de manger ou de boire comme un besoin physiologique. Mêlant ainsi deux ordres de biens différents, l’être humain en vient également à confondre deux types d’actions que sont « prendre quelque chose » et « dire quelque chose ». Si les besoins physiologiques impliquent de prendre quelque chose pour sa survie, la sexualité relève du langage : elle exprime quelque chose. Loin de répondre à un besoin pulsionnel, les amants se disent leur amour dans l’acte d’union.
Vivre ce désir dans toute son ampleur, est loin d’être facile en raison de la capacité dramatique qu’a l’être humain d’inscrire l’acte sexuel dans un rapport de performance et de le réduire à la consommation de quelque chose qui part de soi comme un désir et qui revient à soi comme un plaisir. Ce cercle personnel qui conduit du besoin à éprouver au plaisir trouvé, apparaît en fait comme impersonnel. Pire, en s’enfermant dans cet engrenage, l’homme sombre dans l’animalité pulsionnelle voire même au-delà et apparaît incapable de devenir une véritable personne.
Nécessitant une profonde humilité, la relation sexuelle est une œuvre dans laquelle le temps, les gestes, les attitudes et le lieu collaborent à un langage intime et à une prise de conscience commune où les amants se disent leur amour et s’accueillent mutuellement et totalement. Le mariage, par l’échange des consentements qui le fonde, apparaît justement comme la garantie d’une union totale et parfaite. Le don des corps se révèle alors comme le signe de cette promesse éternelle de se donner jusqu’à la mort. Par cette histoire commune inaugurée dans le mariage, l’amour se révèle alors comme une véritable symphonie composée au fil des jours et au rythme du don de soi, de la chasteté, de la loi naturelle, ou encore de l’attente et du respect de l’autre.
Cette aventure singulière et unique qu’est l’acte sexuel ne requiert pas d’entrainement préalable. Il est apprentissage personnel d’un langage intime qui comme tout langage comprend un risque de malentendus et d’épreuves en raison des blessures profondes infligées par des comportements sexuels infantiles ou pornographiques antérieurs. Cette union des corps est encore un trésor intime et réservé de deux êtres qui ne peut ni ne doit être partagé par d’autres personnes. Si le caractère pudique est évidemment une marque de respect vis-à-vis des autres, la manière de regarder un couple, une femme ou un homme constitue un véritable enjeu de la relation amoureuse. Puisqu’il est la fenêtre du corps, le regard de l’être humain doit savoir être vierge et chaste. Cela passe par l’orientation de sa liberté personnelle pour qu’une image irrespectueuse ou à caractère sexuel ne vienne pas contaminer l’imagination personnelle.