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Livre des Nombres/// Détours bibliques et saveurs promises.
Le Livre des Nombres relate le voyage du peuple d’Israël depuis le mont Sinaï jusqu’à la frontière du pays de Canaan. Un itinéraire éprouvant entre désir et frustration en vue de goûter pleinement les saveurs promises !
Enseignement sur le livre des Nombres/ Père Alexis Leproux
Le livre des Nombres révèle les détours que fait Israël dans les déserts : désert du Sinai (Nb 1,1), désert de Parân (Nb 10,12), désert de Cîn (Nb 13,21), marqués par des épreuves personnelles et communautaires (lèpre de Myriam en Nb 12, les combats avec les Amalécites et Cananéens en Nb 14, le manque d’eau en Nb 20, les serpents brûlants en Nb 21…), dans un climat où alternent révoltes et obéissance à Dieu. Quels enseignements cela indique-t-il pour aujourd’hui ?
1- Le détour : lieu de la rencontre avec Dieu
Remarquons d’abord le mouvement général : les détours. Israël ne va pas en ligne droite. Quand le peuple tente une reconnaissance en Canaan (Nb 13) : les fruits rapportés sont bons mais trop grands, tout comme les habitants, ce qui sera à l’origine de la peur et de la révolte du peuple (Nb 14) ; de là vient qu’il devra marcher quarante ans par un long détour dans le désert. Ce temps sera celui de la maturation du désir pour accéder à la maturité. Si le val d’Eshkol a paru si grand, c’est sans doute qu’Israël n’était pas prêt, n’avait pas le regard ajusté pour entrer en Canaan. Ce détour est l’occasion pour le peuple de creuser ce désir, dans son dialogue avec Dieu, tout comme l’avait fait Moïse : YHWH vit que Moïse faisait un détour pour voir, et Dieu l’appela du buisson ardent (Ex 3,4). Aujourd’hui, y a-t-il des longs temps de maturation, des détours ? La société contemporaine répond d’une façon dissymétrique : la préparation à la vie professionnelle est très longue, tandis que la rapidité devient principe des relations affectives amicales et amoureuses. En proposant une préparation au mariage ou au sacerdoce, l’Eglise veut permettre à un désir profond de murir. Le temps de maturation est également marqué par des épreuves sollicitant courage, ténacité, au-delà des frustrations.
2- Faire des épreuves des stèles de la rencontre
A travers les diverses épreuves traversées, les Nombres fournissent une petite pédagogie à ce sujet. Un premier enseignement, celui des serpents brûlants (Nb 21), montre qu’il faut regarder l’épreuve en face. C’est la signification du serpent d’airain qui s’accomplit à la Croix. Le livre montre qu’il est toujours possible de fuir. Mais l’épreuve rattrape, les épreuves peuvent se suivre- voire s’accumuler-, c’est pour cela qu’il nous faut apprendre à les regarder en face. Si certains, parce qu’ils en ont les moyens, bâtissent leur vie sur l’opulence dans leur pays ou préfèrent couper quelques ponts et s’expatrier dans un confort sympathique, les épreuves les rattrapent.
Du moins, nous pouvons l’espérer car l’épreuve est le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu. En effet, une lecture littéraliste de l’attribution d’un malheur par Dieu (exemple : la lèpre de Myriam en Nb 12) doit être interprétée en raison – non de manière fidéiste- mais comme l’occasion d’une rencontre. C’est bien ce que montre le cas de Myriam qui est ouvre à une prière et à une guérison. En écoutant sa foi et sa raison, le croyant sait que Dieu n’est ni justicier, ni magicien, autrement dit qu’il n’est pas la cause première de ses épreuves. Dans ce dialogue entre l’homme et Dieu, les épreuves sont un lieu de mémoire, de vie nouvelle qui jaillit de la porte étroite franchie par l’homme. Ce sont des stèles de la rencontre dont l’enjeu est l’unité de l’homme, son union à Dieu qui le conduit par les ravins et les montagnes. C’est dans ce sens, proche du combat de Jacob, qu’il serait possible d’interpréter l’épisode de l’ânesse de Balaam (Nb 22). L’ânesse serait alors le corps auquel Dieu envoie par l’ange un signe d’arrêt, alors que Balaam serait l’esprit qui refuse avec insistance d’écouter le corps, jusqu’à entendre son langage.
3- Faire mémoire de la rencontre
Si ces épreuves deviennent stèles dans la foi c’est qu’un chemin pour faire mémoire nous est indiqué, comme nécessaire à la maturation. Cette mémoire est la lecture de l’histoire (personnelle et communautaire) à la lumière de l’histoire du salut. C’est ce que fait Israël. Le Pentateuque (La Torah est une relecture du peuple, phénomène de relecture dont on peut trouver les traces en relisant l’action de Dieu au sein de tel événement ou telle épreuve, ou encore en comparant (intertextualité) la lecture d’un événement donné à des dates différentes. C’est une mémoire vivante qui construit ce chemin.