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1/2 : LA CHAIR ET LE SANG DU PREMIER-NE
Deuxième soirée d’introduction à la place de la Parole de Dieu dans nos vies à travers l’étude des Saintes Ecritures et le passage des Pélerins d’Emmaüs.
TEXTES RATTACHES A LA PREMIERE SEANCE
[blockquote] Voici que, ce même jour, deux d’entre eux faisaient route vers un village du nom d’Emmaüs, distant de Jérusalem de soixante stades, et ils conversaient entre eux de tout ce qui était arrivé. Et il advint, comme ils conversaient et discutaient ensemble, que Jésus en personne s’approcha, et il faisait route avec eux ; mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Il leur dit : » Quels sont donc ces propos que vous échangez en marchant ? » Et ils s’arrêtèrent, le visage sombre. Prenant la parole, l’un d’eux, nommé Cléophas, lui dit : » Tu es bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci ! » – » Quoi donc ? » leur dit-il. Ils lui dirent : » Ce qui concerne Jésus le Nazarénien, qui s’est montré un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël ; mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées ! Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S’étant rendues de grand matin au tombeau et n’ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu’elles ont même eu la vision d’anges qui le disent vivant. Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu ! » Alors il leur dit : » O cœurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu’ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? » Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait. Quand ils furent près du village où ils se rendaient, il fit semblant d’aller plus loin. Mais ils le pressèrent en disant : » Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme. » Il entra donc pour rester avec eux. Et il advint, comme il était à table avec eux, qu’il prit le pain, dit la bénédiction, puis le rompit et le leur donna. Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent… mais il avait disparu de devant eux. Et ils se dirent l’un à l’autre : » Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Écritures ? » À cette heure même, ils partirent et s’en retournèrent à Jérusalem. Ils trouvèrent réunis les Onze et leurs compagnons, qui dirent : » C’est bien vrai ! le Seigneur est ressuscité et il est apparu à Simon ! » Et eux de raconter ce qui s’était passé en chemin, et comment ils l’avaient reconnu à la fraction du pain. Tandis qu’ils disaient cela, lui se tint au milieu d’eux et leur dit : » Paix à vous ! » Saisis de frayeur et de crainte, ils pensaient voir un esprit. Mais il leur dit : » Pourquoi tout ce trouble, et pourquoi des doutes montent-ils en votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds ; c’est bien moi ! Palpez-moi et rendez-vous compte qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai. (Lc 24, 13-39) [/blockquote]
COMPTE RENDU DE LA SOIRÉE (par Jean Sen)
[blockquote] Croire en quelqu’un ou croire à quelque chose ? [/blockquote]
En confessant sa foi au cours de la liturgie, le chrétien témoigne publiquement de ce en quoi il croit intimement. Mais qu’est-ce que la foi ? Sur quel fondement solide s’enracine t-elle ? En quoi est-elle structurante pour notre vie faite de joies et de peines ? Si nous confessons le nom de Jésus mort et ressuscité, quel est notre rapport à son corps donné dans la présence réelle de l’Eucharistie, dans les Saintes Écritures ou dans l’Église? Croyons-nous fermement qu’il est là avec son corps et qu’il peut déterminer notre existence ? En somme, qu’est-ce que cela change dans ma vie que Jésus Christ soit mort et ressuscité ?
Au terme de son Évangile, saint Luc nous rapporte l’expérience de deux disciples dont le fondement de la vie a précisément disparu. Sur le chemin d’Emmaüs, ces deux hommes sont confrontés à une réalité fatidique : Jésus Christ, celui en qui ils avaient mis leur foi et fondé leur vie, est mort ! Ce mystère de la perte d’un repère existentiel, d’un ami qui nous est proche ou d’un familier qui nous est cher, est universel. Éprouvant, scandaleux, douloureux, le mystère de la mort est une pierre d’achoppement sur laquelle tout homme bute. Face à cette grande épreuve qui s’impose à nous et qui nous attend au terme de notre vie terrestre, deux voies s’opposent. La première consiste à ignorer cette réalité, à l’évacuer et à la repousser aux derniers jours. La seconde, au contraire, cherche à l’accueillir, à l’habiter et à l’intégrer pour qu’ainsi chaque jour soit considéré comme un jour de plus ou le dernier de notre existence.
[blockquote] La foi, à la frontière des larmes et de la joie. [/blockquote]
Le passage rapporté par saint Luc commence par mettre en scène deux disciples discutant de leur tristesse chemin faisant. Cette attitude des disciples est marquante : refusant d’évacuer la peine qui les habite, chacun accepte de s’ouvrir à l’autre pour lui confier sa douleur et son désenchantement. Qu’elle soit liée à des évènements qui s’imposent de l’extérieur, à notre liberté mal orientée, ou à des phénomènes purement intérieurs, la tristesse appartient aux variations de l’âme. Par conséquent, plutôt que d’être écartée, chassée ou camouflée derrière de fausses joies ces variations doivent devenir le lieu où s’expérimente notre foi. Au-delà des larmes et de la peine, la tristesse peut ainsi devenir un lieu d’échange, de questionnement et de recherche où une espérance et une vie nouvelle peuvent être reçues. Cette ouverture à une vie nouvelle malgré la tristesse est parfaitement soulignée par saint Luc. Avec l’apparition mystérieuse de Jésus sur le chemin, les disciples acceptent de se laisser déposséder de leur peine et d’accueillir une parole extérieure. Au lieu de s’enfermer sur eux, les voilà qui se confient à autrui pour en recevoir la vie. La foi apparaît ainsi comme la frontière entre nos larmes et nos joies.
La vie de tout homme croyant comprend une multitude d’expériences pénibles dans lesquelles la foi est en jeu. Que ce soit lors de la disparition d’un proche, dans le deuil d’un âge de la vie, ou dans d’autres situations de tristesse, le chrétien est appelé à accepter ces expériences de mort pour s’ouvrir à une vie nouvelle et à reconnaître Dieu. C’est en effet à l’intérieur de ces expériences réelles et non dans des concepts abstraits, que Dieu se révèle à nous. C’est dans des évènements de joie et de peine, de bonheur et de malheur, de mort et de vie, de pardon reçu et de pardon donné que Dieu se fait connaître à l’homme. Or, combien d’aspects de notre vie passée n’ont pas encore été visités par cette foi en la vie nouvelle ? Combien de lieux de notre être demeurent encore prisonniers de nos tombeaux ? Combien d’expériences de notre histoire nous taraudent et nous travaillent car elles sont puissances de mort en attente de la résurrection ?
[blockquote] La liturgie, source de vie. [/blockquote]
C’est à la lumière des Écritures Saintes que les disciples d’Emmaüs comprennent le sens de leur tristesse et c’est à la fraction du pain qu’ils reconnaissent la présence de Jésus à leurs côtés. La liturgie de la Parole comme celle de l’Eucharistie célèbrent dans le temps de notre histoire personnelle la présence de Dieu. Seulement, ce témoignage rapporté par la Bible et l’Eucharistie n’est pleinement recevable que si nous commençons par comprendre que notre histoire est une histoire sainte dans laquelle Dieu agit personnellement. A l’image de ses actions pour son peuple élu, Dieu nous accompagne individuellement tout au long de notre existence. Notre vie réelle est ainsi appelée à trouver sa place dans la célébration liturgique où est témoignée la présence divine. A l’exemple des récits bibliques où Dieu manifeste son Amour pour son peuple et l’humanité tout entière, Benoît XVI nous invite au cours de cette année de la foi, à habiter pleinement ces lieux où Dieu révèle sa présence réelle dans l’Eucharistie, les Saintes Ecritures et son corps qu’est l’Église. Car la liturgie ne trouve pleinement son intérêt que si elle est ordonnée à célébrer la vie réelle et le Vivant dans laquelle nous nous inscrivons. Comprise ainsi, elle apparaît alors comme le fondement de notre vie et le socle de notre témoignage que l’on peut se rendre les uns aux autres.