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Condamnés à l’inculture?
Au cours de vos études universitaires, vos examinateurs ne vous jugeront pas sur votre culture. Ils vous demanderont d’avoir acquis un certain nombre de connaissances et maîtrisé une méthode de réflexion.
Mais la vie en faculté n’aura qu’un temps. Dans quelques années <trois ou quatre, cinq au plus) votre discipline deviendra votre profession, Alors il ne suffira plus d’être fort en physique ou en géologie. II faudra aussi être qualifié humainement.
Cela va de soi pour les carrières d’enseignement : mais, même si vous êtes ingénieur ou si vous continuez dans la voie de la recherche, vous ne travaillerez pas seul: or, le travail commun ne réclame pas seulement des compétences techniques, mais aussi une valeur personnelle, une compréhension profonde des problèmes les plus divers, une ouverture aux autres.
II serait tout à fait dommage que, pour vous, l’entrée à la faculté corresponde à un rétrécissement de l’esprit. Réfléchissez sur ce que vous faites : la biologie, les quanta ou les probabilités posent autant de problèmes que la philologie classique.
Par quelque moyen que ce soit (livres, émissions, spectacles, voyages), forcez- vous à garder dans la mémoire que tout le réel n’est pas observable au microscope ou formulable en équation. A tout le moins, profitez du brassage qu’opère la faculté pour connaître des gens de provenance ou de pensée différentes des vôtres. Bien sûr, vous n’avez guère de temps. Mais du peu qui vous reste, faites un usage intelligent. Vous n’acquerrez pas ainsi une culture de salon, mais vous posséderez la culture vraie que, par d’autres voies, les littéraires doivent, eux aussi, rechercher celle qui permet d’apprécier les choses et les gens.
Luce TIGER
Extrait du journal PARABOLES, septembre 1965