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La Sagesse, au-dehors, lance un appel ; sur les places, elle élève sa voix ; au-dessus du tumulte, elle crie ; à l’entrée des portes de la ville, elle tient ce discours : »Combien de temps encore, étourdis, allez-vous aimer l’étourderie ? – Les insolents n’aspirent qu’à l’insolence, et les insensés refusent la connaissance ! » Pr 1, 20
Le livre des Proverbes n’aborde pas les questions posées par l’histoire et l’avenir du peuple d’Israël comme le font d’autres livres bibliques. Son enseignement se présente davantage sous la forme de conseils et d’instructions, d’orientations qui invitent chacun à une vie sage sous la conduite de Dieu. De l’apprentissage à l’expérience pratique quotidienne, le livre des Proverbes nous initie aux vertus de la Sagesse.
Enseignement sur le livre des Proverbes
Père Alexis Leproux. 27 mars 2014.
Le livre des Proverbes donne l’impression d’être codé. Par son langage, le livre nous confronte d’emblée à la nécessité de l’interprétation de tel mot, tel verset…Il faut le déchiffrer ! Ainsi, nous prenons conscience que la démarche herméneutique est fondamentale : chaque jour, nous interprétons les signes, les choses, les événements de nos vies. Le chemin des Proverbes (même mot hébreu que paraboles) est donc une éducation à passer du signifiant au signifié, par l’intelligence du langage. C’est ce vont illustrer deux interprétations de Pr 30, en soulignant quelques aspects de la sagesse. Puis, nous reviendrons plus en détail sur le chemin d’éducation en partant de Pr 8.
1- L’interprétation de Pr 30, quelques caractéristiques de vie sage
Comme il s’agit d’ouvrir le sens, l’écoute d’un texte peut amener une foule innombrable d’interprétations. Nous présentons une seule signification pour chaque péricope.
Pr 30, 24-28
24Il est quatre êtres minuscules sur la terre, mais sages entre les sages :
25les fourmis, peuple chétif, mais qui, en été, assure sa provende ;
26les damans, peuple sans vigueur, mais qui gîtent dans les rochers ;
27chez les sauterelles, point de roi ! mais elles marchent toutes en bon ordre ;
28le lézard que l’on capture à la main, mais qui hante les palais du roi.
Les quatre groupes d’animaux représentent quatre attitudes de sagesse. Tout d’abord, les fourmis illustrent la prévoyance. On retrouve cette vertu dans la parabole des dix vierges -sages et folles- (Mt 25), ou encore dans La cigale et la fourmi de J. de La Fontaine, empruntant lui-même à Esope. La prévoyance ne vise pas d’abord une thésaurisation, mais l’éducation. Il s’agit d’engranger aujourd’hui paroles, attitudes, chants… à transmettre comme parents ou éducateurs. Puis viennent les damans et leur maison bâtie dans le roc. Cela évoque la parabole éponyme (Mt 7, 24sv.), ainsi que les trois petits cochons de notre enfance. La construction solide nécessite du temps. Il faut accepter de passer du temps avec un auteur pour être imprégné de sa pensée, avec un ami ou son conjoint pour aimer, avec Dieu pour prier. C’est alors que viennent les sauterelles qui symbolisent à la fois un éloge de la démocratie et celui de la communion. Une société n’est pas une somme d’individualismes mais avance grâce à un ordre social. Finalement, les lézards montrent que l’homme doit apprendre à être à la juste place pour entendre ce qu’il doit entendre, ce qui permet à son âme de chérir sa raison.
Pr 30, 18-19
18Il est trois choses qui me dépassent et quatre que je ne connais pas :
19le chemin de l’aigle dans les cieux, le chemin du serpent sur le rocher, le chemin du vaisseau en
haute mer, le chemin de l’homme chez la jeune femme.
Les trois premiers chemins représentent trois voies d’orgueil. Celui de l’aigle renvoie au pouvoir politique qui écrase. Celui du serpent, au mensonge qui passe sur le roc sans laisser de trace. Celui du navire, à la vie chaotique soumise aux passions, à la libido. Ce sont des passages dans lesquels l’homme ne doit pas aller car ils ouvrent un chemin de mort sans suivre un autre que soi. Ils ne laissent pas de trace, pas de mémoire. A l’opposé, le chemin de l’homme chez la femme est un choix de vie, pouvant conduire à la naissance d’un enfant qui est un mémorial éternel.
2- Obéissance et éducation
Pr 8 est un texte christologique majeur, qui a amené les Pères de l’Eglise à identifier la Sagesse incréée avec le Christ. La parallèle avec Jn 1 est assez évident. Dire que la Sagesse est au commencement, signifie qu’il n’y a pas un chaos ou un néant des choses, c’est-à-dire que l’homme est créé dans un ordre en vue d’une fin. Au principe, il y a en nous quelque chose de la Sagesse, que tourbillons, vents, engloutissements ne peuvent enlever. Saint Augustin insiste sur cette inscription au cœur de l’homme. Nous désirons ce qui est encore en germe et qui nous est promis totalement. Consécutivement, l’enjeu de l’éducation sera de conduire l’homme -en intégrant les obstacles- du commencement au terme, de l’alpha à l’oméga.
Au principe de la sagesse, il y a la crainte de YHWH (cf. Pr 9,10). Cette crainte est l’angoisse de rater sa vie, d’être distrait de sa vie, selon le mot de Pascal. L’éducation ne consiste pas avant tout dans un faire. Sinon, l’obéissance aux commandements et à nos habitudes ou coutumes quotidiennes, serait servile. Il s’agit d’entrer dans une façon de faire, de reconnaître la vie dans les actes que je suis obligé de poser. Cet apprentissage peut être transmis dès l’enfance dans les gestes quotidiens. L’attention et la vigilance à nos gestes et à ceux des autres permettent de ne pas obéir mécaniquement. Chaque minute de nos vies devient alors riche de sens en faisant mémoire des événements que le signe convoque en nous, mémoire qui croît et se purifie au fil de nos vies.