22 novembre 2024

2/1 La pierre, le geste et la vie

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2/1 : La Pierre, le geste et la vie

TEXTES RATTACHES A LA SEANCE

[blockquote] La cathédrale est un signe visible du Dieu invisible, à la gloire duquel s’élancent ces tours, flèches qui indiquent l’absolu de la lumière et de celui qui est la Lumière, la Grandeur et la Beauté mêmes.
Dans ce cadre, Gaudí a voulu unir l’inspiration qui lui venait des trois grands livres dont il se nourrissait comme homme, comme croyant et comme architecte : le livre de la nature, le livre de la Sainte Écriture et le livre de la Liturgie. Ainsi il a uni la réalité du monde et l’histoire du salut, comme elle nous est racontée dans la Bible et rendue présente dans la Liturgie. Il a introduit dans l’édifice sacré des pierres, des arbres et la vie humaine, afin que toute la création converge dans la louange divine, mais, en même temps, il a placé à l’extérieur les retablos, pour mettre devant les hommes le mystère de Dieu révélé dans la naissance, la passion, la mort et la résurrection de Jésus Christ. Il collabora ainsi de manière géniale à l’édification d’une conscience humaine ancrée dans le monde, ouverte à Dieu, illuminée et sanctifiée par le Christ. Et il réalisa ce qui est aujourd’hui une des tâches les plus importantes : dépasser la scission entre conscience humaine et conscience chrétienne, entre existence dans ce monde temporel et ouverture à la vie éternelle, entre la beauté des choses et Dieu qui est la Beauté.
La beauté est la grande nécessité de l’homme; elle est la racine de laquelle surgissent le tronc de notre paix et les fruits de notre espérance. La beauté est aussi révélatrice de Dieu, parce que, comme Lui, l’œuvre belle est pure gratuité, elle invite à la liberté et arrache à l’égoïsme.
La Parole révélée, l’humanité du Christ et son Église sont les trois expressions les plus grandes de sa manifestation et de son don aux hommes. « Que chacun prenne garde à la façon dont il construit. Les fondations, personne ne peut en poser d’autres que celles qui existent déjà : ces fondations, c’est Jésus Christ» (1 Co 3, 10-11). Le Seigneur Jésus est la pierre qui soutient le poids du monde, qui maintient la cohésion de l’Église et qui recueille dans une ultime unité toutes les conquêtes de l’humanité. En lui nous avons la Parole et la Présence de Dieu, et de Lui l’Église reçoit sa vie, sa doctrine et sa mission. L’Église ne tire pas sa consistance d’elle-même ; elle est appelée à être signe et instrument du Christ, dans une pure docilité à son autorité et entièrement au service de son mandat. L’unique Christ fonde l’unique Église ; il est le rocher sur lequel se base notre foi. Fondés sur cette foi, nous cherchons ensemble à montrer au monde le visage de Dieu, qui est amour et qui est l’unique qui peut répondre à l’ardent désir de plénitude de l’homme. Telle est la grande tâche, montrer à tous que Dieu est un Dieu de paix et non de violence, de liberté et non de contrainte, de concorde et non de discorde. (Homélie de Benoît XVI à l’occasion de la dédicace de la Sagrada Familia, Barcelone, 7 novembre 2010)[/blockquote]

COMPTE RENDU DE LA SOIRÉE (par Jean Sen)

Nous ouvrons aujourd’hui une nouvelle période intitulée : « Speculum fidei » (le miroir de la foi). Durant les six semaines à venir, nous chercherons à comprendre comment le mystère qui habite notre foi et notre être tout entier se reflète dans le miroir de la Nature, de la Liturgie et de l’Écriture. Autrement dit, en quoi « ces trois grands livres » nous permettent de vivre une expérience du beau et de l’esthétique et ainsi de nous ouvrir au mystère de Dieu ?

[blockquote] Unifier sa vie réelle et sa vie spirituelle : [/blockquote]

Dans son homélie à l’occasion de la dédicace de la Sagrada Familia, Benoît XVI appela la communauté chrétienne rassemblée à vivre une véritable expérience esthétique en soulignant le génie de l’architecte Gaudi : « Il [Gaudi] réalisa ce qui est aujourd’hui une des tâches les plus importantes : dépasser la scission entre conscience humaine et conscience chrétienne, entre existence dans ce monde temporel et ouverture à la vie éternelle, entre la beauté des choses et Dieu qui est la Beauté. » Par son ouvrage artistique, Gaudi nous témoigne effectivement de l’unité à laquelle il est parvenu en unifiant sa conscience humaine et sa conscience chrétienne. Loin de cloisonner chacune des dimensions de son être où s’opposeraient le matériel et le spirituel, le concret et l’abstrait, l’incarné et le désincarné, le chrétien est au contraire appelé à unifier tous les aspects de sa vie pour que de cette unité surgisse le beau. En effet, cette dichotomie intérieure opposant expériences réelles et expériences spirituelles empêche non seulement de témoigner véritablement de notre foi mais également de manifester notre vraie beauté. Car, déconnectée de l’unité de notre être, la beauté devient davantage un piège mensonger : se limitant à être un artifice, elle devient incapable de conduire à notre être profond et même en détourne. La beauté est ainsi véritablement beauté quand elle est une apparition harmonieuse de l’être réel dont elle est l’éclat.

[blockquote] L’expérience de la beauté comme chemin pour l’unification intérieure : [/blockquote]

De même que s’interroger sur la beauté nécessite de commencer par la contemplation d’œuvres d’art concrètes, réfléchir sur sa foi et sa conscience spirituelle requiert de faire mémoire des situations réelles dans lesquelles nous avons fait l’expérience du beau. Le chemin d’unification intérieure passe ainsi par une expérience du sensible et de l’esthétique. Dans son homélie, Benoît XVI rappelle ce lien entre la beauté et la vie spirituelle : « La beauté est la grande nécessité de l’homme ; elle est la racine de laquelle surgissent le tronc de notre paix et les fruits de notre espérance. La beauté est aussi révélatrice de Dieu, parce que, comme Lui, l’œuvre belle est pure gratuité, elle invite à la liberté et arrache à l’égoïsme. » L’éducation chrétienne doit donc permettre à un enfant à découvrir le lieu dans lequel son être s’ouvre à l’expérience du beau et peut réellement rencontrer celui qui est la Beauté : Dieu. Au fond, L’origine de la foi ne se trouve pas  d’abord dans  la réflexion éthique, mais dans l’expérience esthétique. Il ne s’agit pas de savoir quelles sont les valeurs morales à accomplir mais de connaître quels sont les lieux où l’expérience du beau peut être faite.

[blockquote] Expérience de beautés et révélation de la Beauté. [/blockquote]

Apparaissant comme le fondement de la foi, l’expérience du beau est avant tout personnelle. Qu’elle ait lieu dans la contemplation d’un paysage, dans l’audition d’une mélodie, dans la subtilité d’un raisonnement, dans la finesse d’un geste, dans l’élégance d’une personne… la beauté commence toujours par se vivre dans des expériences singulières et individuelles. Seulement, au lieu de considérer cette diversité comme un obstacle au caractère unique de la Beauté, elle en manifeste au contraire la très grande richesse. Finalement, si nos sens nous conduisent à découvrir de nombreuses beautés, toutes nous amènent à confesser l’Être. Chaque expérience personnelle de la beauté est ainsi un signe visible du Dieu invisible et apparaît comme une première rencontre avec le mystère de Dieu.

Notre première expérience de la beauté intervient avec les tous débuts de notre vie. Dès le premier regard que sa mère pose sur lui, le nouveau-né reconnaît une beauté toute singulière qui le réjouit. Et son sourire est l’expression d’une joie esthétique, fruit de la révélation dans le beau visage qui se penche sur lui, de l’amour qui lui a donné et lui donne la vie. L’expérience du beau imprègne ainsi l’homme, avant même qu’il puisse poser un acte de foi en choisissant la vie ou la mort. Reconnaissant en autrui, le signe perceptible d’une réalité invisible, la rencontre avec une personne constitue le sommet de la beauté et apparaît comme le lieu de naissance de notre foi. Ce sommet de la beauté présent dans le mystère de l’homme et de la femme est décrit dans chacun des trois livres de la Liturgie, de la Nature et de l’Écriture. Si la sensibilité affective au corps de l’autre est au cœur du livre de la Nature, celui de la Liturgie dans lequel l’homme en tant que prêtre a un rôle propre, offre un écho à celui de la Nature où la femme en tant que mère est la seule à enfanter.