23 mars 2024

4/6 La blessure du Salut

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L’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Ju- meau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Huit jours plus tard, les disciples se trou- vaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom. Jn 20, 24 -29 

 

Questions

Pourquoi l’expérience de la foi doit-elle nécessaire- ment s’appuyer sur l’expérience des sens ?

Quelles sont les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui dans notre foi en la résurrection ?

Comment les signes de Saint Jean peuvent-ils affer- mir notre foi ?

 

Pour aller plus loin

 » Ma fille, parle au monde entier de mon inconce- vable Miséricorde. Je désire que la Fête de la Miséricorde soit le recours et le refuge pour toutes les âmes, et surtout pour les pauvres pécheurs. En ce jour les entrailles de ma Miséricorde sont ouvertes, je déverse tout un océan de grâces sur les âmes qui s’approcheront de la source de ma miséricorde ; toute âme qui se confessera (dans les huit jours qui précèdent ou suivent ce Dimanche de la Miséri- corde) et communiera, recevra le pardon complet de ses fautes et la remise de leur peine ; en ce jour sont ouvertes toutes les sources divines par lesquelles s’écoulent les grâces ; qu’aucune âme n’ait peur de s’approcher de moi, même si ses péchés sont comme l’écarlate. […] La Fête de la Miséricorde est issue de mes entrailles, je désire qu’elle soit fêtée solennellement le premier dimanche après Pâques. Le genre humain ne trouvera pas la paix tant qu’il ne se tournera pas vers la source de ma Miséricorde.  »  Petit Journal de Sœur Faustine, § 699 

Notes de l’intervention de Monseigneur Baud

Il est des réalités qui structurent notre vie, dont il est important de parler, car c’est justement à la mesure dont on en parle, qu’elles sont fondatrices. L’expérience des disciples d’Emmaüs est sur ce point éclairante : à force de parler du Christ en qui ils avaient mis leur espoir, ils en viennent à le reconnaître véritablement au cours du repas puis à confesser qu’il était là sans qu’ils le sachent. L’acte élémentaire pour rencontrer le Ressuscité est donc d’en parler. Tel est l’enjeu des récits de la Résurrection : celui qui était mort est venu occuper la discussion des disciples et transformer cette parole en Bonne Nouvelle. Par cette parole sur le Christ, l’Église primitive s’est ainsi construite au point de devenir inébranlable et de pouvoir célébrer l’Eucharistie.

Deux milles ans après les récits de la Résurrection, pouvons-nous vivre à notre tour une expérience semblable à celle des apôtres ? Si oui, comment le Ressuscité se manifeste t-il alors à nous ? A bien écouter les chrétiens qui aiment proclamer en ce temps pascal: « le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! », il semble qu’une expérience singulière soit effectivement possible ; seulement en quoi cette proclamation témoigne t-elle d’une rencontre réelle avec le Ressuscité ?

L’expérience de Thomas et des apôtres.

Au Cénacle, huit jours après la résurrection, saint Thomas est le dernier des apôtres à rencontrer le Ressuscité. Cette expérience est avant tout celle d’un disciple qui rencontre celui avec lequel une histoire commune a été partagée. Dans l’évangile de saint Jean, Thomas avait justement affirmé : « allons, nous aussi, pour mourir avec lui! » (Jn 11,16). Seulement, la suite du récit témoignera de son infidélité : aucun des disciples n’ira mourir au côté du Christ le vendredi saint.

Au regard de cette trahison, la rencontre avec le Ressuscité apparaît comme un évènement douloureux : rencontrant celui qu’ils ont trahi, les disciples sont envahis par la culpabilité et l’angoisse. Telle est la blessure du Salut : tiraillés par le remord et la culpabilité d’avoir trahi celui qu’ils aimaient, les apôtres s’en veulent de ne pas avoir été fidèles comme ils l’avaient promis. Or c’est à l’intérieur de cette expérience douloureuse et amère que leur rencontre avec le Christ ressuscité va se faire.

 

Cette expérience n’est pas d’abord tactile. Si le Christ offre ses plaies aux toucher des disciples, rien n’indique qu’ils aient effectivement mis leurs doigts dans les marques des clous. Au-delà d’un éventuel contact physique, le cœur de l’expérience se situe d’abord dans la parole apportée par le Christ à ses disciples : « la paix soit avec vous » ! Par sa paix, le Ressuscité veut réconcilier les siens avec leur histoire et les guérir de leur culpabilité. Loin d’être une condamnation, cette parole est au contraire l’expression d’un pardon donné et d’une vie nouvelle. Après la division provoquée par la trahison, c’est désormais la paix et l’unité qui sont invitées à régner dans la communauté et à constituer le cœur du message apostolique.

 

Quelle expérience pour nous ?

La rencontre des apôtres avec le Ressuscité est tout à fait particulière. Conscients de cette richesse, les disciples n’ont pas voulu nous transmettre simplement le récit de leur expérience mais surtout la clé pour que nous puissions confesser à notre tour : « il est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! »

Puisque c’est en effet dans l’expérience de pardon que les apôtres ont reconnu le Christ ressuscité, c’est à notre tour dans une relation similaire avec nos proches qu’on rencontrera Celui qui a vaincu la mort. Autrement dit, c’est dans l’expérience de miséricorde vécue au sein d’une histoire entachée d’infidélité, de trahison et de culpabilité que le Ressuscité se laisse rencontrer. C’est dans l’unité retrouvée grâce à une expérience de pardon vécue au sein d’une communauté, d’un couple ou de toute relation interpersonnelle corrompue par l’infidélité, la trahison et la division que le corps glorieux du Christ se manifeste. La matérialité et la densité de ce corps ressuscité ne sont en effet pas à chercher dans des molécules, des kilogrammes ou dans tout autre réalité biologique mais dans sa capacité à entrer en relation, à se donner à autrui, à dire pardon. C’est donc en vivant de cette densité relationnelle qu’il nous est donné de vivre à notre tour l’expérience de la Résurrection.

 

Toute profession de foi en la Résurrection déracinée d’une expérience de pardon devient en définitive une imposture. Sans cette expérience passée ou présente, notre foi perd tout fondement existentiel et se déconnecte du réel. En somme, c’est uniquement à partir des situations de miséricorde vécue que notre profession de foi au corps du Christ ressuscité devient crédible.