13 décembre 2024

5/4 Douleur d’un enfantement et genèse d’une liberté

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À la suite d’autres sciences humaines, la psychanalyse s’est construite en opposition à la foi catholique dès les travaux de Freud. Niant l’existence de Dieu ou interprétant les événements par le biais d’outils purement sociologiques, statistiques, psychologiques ou encore historiques etc., ces sciences humaines provoquèrent la crise de la modernité et mirent en péril la foi de nombreux chrétiens.

Depuis le pontificat de Jean-Paul II, l’Église a cependant cessé de regarder avec méfiance ces sciences pour au contraire comprendre et assumer leurs apports spécifiques. Elle espère ainsi entrer dans un dialogue authentique et constructif sur l’homme. Dans une société où les affirmations scientifiques apparaissent comme l’unique critère de vérité face aux fondements religieux, il est en effet important de resituer la place et l’enjeu de la foi chrétienne. Cela est particulièrement vrai dans un contexte où les frontières entre le spirituel et la psychanalyse sont parfois floues. En étudiant la pensée de Julia Kristeva[1], nous souhaitons comprendre le jargon et la manière de penser de la psychanalyste très en vogue dans notre société contemporaine.

A partir de différents extraits de Le génie féminin, 3. Colette, nous voulons souligner trois idées de la pensée de Julia Kristeva. Notons au préalable que la distinction entre le féminin et masculin ne vise pas à opposer ces deux réalités mais au contraire à comprendre comment chacune d’elle vient éclairer l’autre. C’est dans la réception du tout autre que l’on devient soi-même.

 

La permanence du lien et de l’objet.

 

Pour Julia Kristeva, l’expérience du plaisir que vit la femme est attachée à un lien à autrui. Alors que chez l’homme, cette expérience aurait plutôt tendance à être déconnectée de toute présence et de toute relation à l’autre pour ne considérer que le soi. La femme, selon Kristeva, met en premier non pas l’expérience du soi mais celle du lien à l’autre. Il y a ainsi chez la femme, une intégration plus profonde de son corps, de son esprit et de sa relation à autrui dans l’expérience qu’elle fait ensuite d’elle-même. Ce fait primordial du lien s’apparente à l’être de relation que l’Église a mis au cœur de sa définition de la personne humaine. Cette intuition psychologique présentée par Kristeva, fait ainsi écho à un enseignement de la théologie catholique : tout ce que je vis doit être lié à quelqu’un d’autre que moi. En somme, il y a dans le génie propre du féminin, une conscience très marquée du « avec qui je vais agir ou vivre. » Si le féminin peut ainsi apparaitre davantage social que sexuel, il ne s’agit cependant pas de caricaturer des réalités mais de voir comment la psychologie féminine s’organise autour d’une relation qui peut être celle de l’enfant à la mère, de la mère à la fille…

Le souci de sauvegarder la vie de la pensée, car la pensée c’est la vie.

 

Il est un fait constaté : la distance entre le corps et la pensée abstraite est moins grande chez la femme que chez l’homme. Autrement dit, il y a dans le féminin, une aptitude plus grande à ne pas séparer le concept intellectuel et abstrait de la réalité concrète et incarnée. Pour la femme, cette attention pour le corps est primordiale dans la relation à l’autre alors que le principe d’abstraction, certes bon, n’est que second. Cette attention du féminin pour le concret est si marquante que Julia Kristeva en vient à se demander s’il n’y a pas là un écho à l’incarnation chrétienne où le corps et l’esprit vont de pair.

L’insistance sur le temps de l’éclosion et de la renaissance.

 

Si en donnant la vie à un nouveau-né, une femme marque non seulement l’histoire elle révèle également qui elle est. Contrairement à la femme, il n’est pas évident pour l’homme d’être toujours dans une nouveauté du don de la vie. Si une femme aura plus d’empathie avec la réalité grâce à la maternité qui lui apprend comment écouter la vie et percevoir le réel, toute personne humaine est en fait appelée à donner la vie. L’homme doit ainsi intérioriser le génie féminin afin que dans son rapport à Dieu, son âme puisse partager avec la maternité cette même capacité d’accueil et d’ouverture à la vie.



[1] Julia Kristeva, est philosophe, psychanalyste, féministe, et écrivain française. Elle a été invitée par le Pape Benoît XVI lors des rencontres d’Assises en octobre 2011 pour être l’une des voix des penseurs athées.