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Deux peuples, une terre >
Après quarante années de marche dans le désert, de nombreux détours et la mort de Moïse, le peuple d’Israël entre en Terre Promise, sous la conduite de Josué. En donnant un pays à son peuple, Dieu accomplit la Promesse faite aux Patriarches.
Ce livre raconte une conquête, celle du pays de Canaan : Jéricho, Aï, Sichem, du Sud vers le Nord, les Israëlites mènent bataille pour s’installer sur cette terre déjà occupée. Comment comprendre la nature de cette installation? Que signifie recevoir une terre et l’habiter?
Le Livre de Josué est le premier livre des prophètes antérieurs, livres historiques quant à leur contenu, mais écrits d’un point de vue prophétique, en interprétant les événements à la lumière de leur signification dans l’histoire du salut.
Enseignement sur le livre de Josué/// Père Alexis Leproux. 21 novembre 2013
Après avoir parcouru le Pentateuque (la Torah), le livre de Josué ouvre un nouveau corpus, celui des livres prophétiques. L’entrée en terre promise pose la question de la manière d’habiter la terre donnée. Cette interrogation est suscitée par l’art de la narrativité[1] : la dimension prophétique du livre nous met en garde contre une lecture fondamentaliste de la violence, nous incite à interpréter l’histoire biblique.
1- Faire mémoire de la Torah
Avant d’aborder le livre de Josué, il est important de faire mémoire de la Torah. C’est ce que font les Juifs tout au long de leur vie : ils apprennent à lire avec la Torah, ils disent une parasha lors de leur barmitsva et à leur mort ils sont appelés à redire la Torah. Entrant ainsi dans le dialogue avec Dieu, ils ont expérimenté une parole d’alliance qui les édifie et les sauve, à travers les siècles. Si bien qu’au détour des vicissitudes l’Histoire, les Juifs sont la seule et unique communauté qui ne s’est jamais éteinte. C’est dire que cette école de Moïse, le plus humble des hommes (Nb 12,3), appelle l’homme à la liberté. Cette alliance, structurée dans des distinctions : infini-fini, homme-femme, adulte-enfant, permet d’expérimenter le passage de l’esclavage à la liberté, de la mort à la vie. Ce dernier passage prend son sens plénier dans le Christ mort et ressuscité qui a accompli la loi de Moïse. Par conséquent, la Torah est aussi le chemin de vie pour le chrétien. Avec le livre de Josué, le chrétien et le Juif se posent donc la question de savoir comment éprouver en terre promise la Torah qui donne vie, comment vivre d’une vie qui transcende les dimensions de l’espace et du temps ?
2- La dimension prophétique de Josué
Il s’agit d’entrer dans cette « double dimension du récit prophétique » en observant qu’une compréhension du livre comme une rédaction journalistique d’un enchaînement d’événements devient vite révoltante et incohérente. Josué apprend donc à vivre une histoire de vie transcendante grâce à l’histoire phénoménale, ces deux histoires étant tout aussi réelles. L’homme dans son expérience mystique -au sens général de la foi, pas seulement particulier des états mystiques- se perçoit comme capable d’une intériorité. C’est là son principe de réalité, présupposant la réalité de sa vie biologique- son animalité-, et constituant l’homme dans sa radicale différence avec l’animal. Habiter une terre va donc être le défi de s’habiter soi-même comme homme, en se reposant sur sa relation première à Dieu et en partageant cette terre avec d’autres. Josué invite à unir les dimensions personnelle et communautaire de cette vie de promesse.
3- Modalité de la présence de chacun auprès de tous
S’habiter soi-même est le propre de l’expérience spirituelle, de l’union du corps et de l’âme, de l’épreuve des déserts intérieurs qui amène l’homme à frapper sur le rocher de Mara (cf. Ex 17). Ces accents de la Torah se retrouvent dans Josué avec les nombreux anathèmes (dès Jos 2,10) contre les idolâtres. Spirituellement cette violence invite l’homme à passer au fil de l’épée ses idoles intérieures (stars, fantasmes mauvais, complexes de supériorité ou d’infériorité…). Cet effort spirituel est révélé comme un ordonnancement de sa terre, chaque tribu symbolisant une dimension à purifier (Lévi : culte, Zabulon/Nephtali : pieds/sport, Benjamin/Manassé : jalousie, Juda : activité intellectuelle…). L’homme avance ainsi dans le chemin de sa plénitude d’être. S’il est ajusté en vérité, alors le témoignage de vie évangélisera les hommes. Cela doit nous inciter à construire notre vie à long terme. Aujourd’hui, beaucoup de décideurs politiques, économiques ou sociaux, nient ce lien entre leur unité personnelle et la communauté. Ils agissent souvent sans réfléchir à long terme, ce qui doit nous inciter à dialoguer avec eux et à vous engager dans ces secteurs.
[1] Nous renvoyons ici à André Wénin, qui peut permettre de prolonger la réflexion avec une lecture du livre des Juges : Echec au Roi, l’art de raconter la violence dans le livre des Juges, Bruxelles, Lessius, 2013.