24 juillet 2024

Ni Dieu, ni maître : pour quel avenir?

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Livre de l’Exode/ 17 octobre
Saga biblique, suite… L’Exode est le récit de la libération du peuple de Dieu, conduit pas Moïse ‘Je vous ferai monter de l’Egypte qui vous opprime vers le pays de Canaan, la terre qui ruisselle de lait et de miel (Ex, 3)

Enseignement sur le Livre de l’Exode / Père Alexis Leproux

1-    Servitude/Liberté

Le livre de l’Exode a montré l’importance de la servitude et de la liberté. C’est notre vécu quotidien. Celui du cœur déchiré, où je ne fais pas ce que je veux (tel désir ou projet) et où je fais même le mal que je ne veux pas (Rm 7,18s). Cela nous pose la question de notre unité personnelle. Face à nos grands désirs, souvent inaccessibles, l’astuce est de procéder dans un pas à pas de petites choses qui peut les rendre plus accessibles. Reste que, dans ce qui nous anime profondément, l’amour ou l’amitié, ces lieux où notre volonté est intimement reliée à celle des autres, la réussite est difficile. Autrement dit, nous pouvons être paralysés dans notre agir social, même si cela est masqué par une spontanéité de bon aloi, suggérant que « tout va bien ». La complexité est donc de « gérer » sa vie affective et non pas sa vie professionnelle. Il s’agit de ne pas se réveiller, comme retraité pour constater le désert, et vivre dans un surcroît d’angoisses, en ce moment dépouillant, quasi-monastique. L’Exode nous apprend à sortir de cette servitude, et nous enseigne d’abord le temps. S’il a fallu quarante ans aux Hébreux, il nous faut aussi du temps pour grandir en liberté, à savoir nous situer avec pudeur, lumière, justesse…face à autrui, en fonction de l’interlocuteur. Pourquoi ce temps ? Avec Simone de Beauvoir, il aurait été possible de penser notre liberté contre la génération précédente. Et si cette idée a la part de vérité de la nécessaire libération, elle postule la révolte de nos enfants contre nous. La représentation biblique d’un héritage à intégrer pour construire de quelque chose de nouveau est plus équilibrée.

2-  Liberté reçue de Dieu

La question d’une liberté reçue de Dieu comme vraie liberté pousse à approfondir la modalité d’alliance le Dieu des Pères, Abraham, Isaac, Jacob, et son peuple. Dieu se présente comme mémoire d’une origine, visage, donnant lois et coutumes pour donner la vie. C’est un visage qui donne la vie, l’origine, les parents, une histoire. Il marche avec son peuple qui reçoit une charte commune. La liberté est donc présence à une communauté qui arrive d’un passé commun.  Cette communion subsume la vision existentialiste d’une liberté qui s’arrête où commence celle des autres et peut dévier dans l’égoïsme ou l’individualisme. Plus je suis libre, plus l’autre est libre. Plus ma liberté personnelle s’élargit, plus celle des autres s’élargit aussi. Ma liberté ne peut être obstacle à autrui : elle est ce qu’elle est si elle est aussi libérante pour autrui. Dans cette expérience alléchante, l’auteur biblique n’est pas dupe : la liberté commune se révèle être aussi aliénation commune, celle de la liberté travestie, des tables de la Loi cassées à réécrire, du veau d’or. Il s’agit d’une inversion de la règle de vie : en fondant de l’or, la communauté adore la matière. Aujourd’hui, le matérialisme pratique ou techno-scientifique, l’espoir de régler tel problème mondial en mettant ses efforts dans la matière avant l’esprit, est une forme de veau d’or. Il semble au contraire, selon le livre de l’Exode, que le soin du politique est premier par rapport à l’attention économique. On ne construit pas une caisse commune pour ensuite s’interroger sur la manière de la gérer. On établit un ordre humain de la vie, une communion de personnes, pour ensuite placer les biens de la création et de la technique au service de l’homme.

L’amour consiste à vivre la liberté aujourd’hui, en se recueillant chaque jour dans son être comme sanctuaire de la libération. C’est ce que montrent des récits de prisonniers comme N. Mandela qui font jaillir cette puissance immense de vie. Pour ouvrir notre espace de liberté, il est important que la prière ne soit pas déconnectée comme une abstraction métaphysique, mais sanctuarisée pour y découvrir nos vies, nos âmes dans le firmament des Ecritures. L’oraison, la retraite annuelle, tel pèlerinage peut nous y aider, en nous faisant entrer dans cette liberté qui pourra déborder de chacun de nous, comme une humble expérience qui envahit nos cœurs et peut se communiquer aux autres.