26 avril 2024

Tobie

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Malgré les adversités de la vie, Tobie père, juif pieux exilé en Assyrie, vit de la loi de Dieu, des bonnes oeuvres et s’attache à transmettre à son fils les coutumes et la sagesse des anciens. C’est ainsi que Tobie fils conduit par l’Ange de Dieu, quitte son père, s’attache à sa femme Sarra, honorant par cela la vie reçue de ses parents. De l’ombre à la lumière, Tobie fils revient de son voyage initiatique pour guérir son père et lui ouvrir les yeux à l’espérance promise par les prophètes. De génération en génération, la question de la transmission de la foi au Dieu d’Israël est au coeur de la vocation de la famille.

 

Enseignement sur le livre de Tobie

Père Jean-Baptiste Arnaud.13 février 2014.

Avec les livres de Tobie, Judith, Esther, nous entrons dans une charnière biblique, située entre les livres prophétiques et sapientiaux. De rédaction tardive (IIIème siècle avant J.C.), le langage du livre de Tobie évoque celui du Nouveau Testament, mais il faut noter que les livres de Tobie et Judith sont  deutérocanoniques. Dans le canon catholique, ils n’ont pas été reconnus dans le canon juif ni repris par les protestants. La rédaction tardive permet d’intégrer les harmoniques bibliques du Pentateuque et des prophètes, en situant l’action lors de l’exil en Assyrie (-721). La question centrale de la fidélité à l’alliance au cœur des adversités se trouve enrichie du don de la loi comme chemin de vie filiale et conjugale. C’est l’occasion de nous interroger sur notre propre expérience de fidélité à nos parents, à l’Eglise, aux commandements…

 

1-    Partir, revenir : honorer son père et sa mère

Tobie quittant son père malade pour aller trouver sa future femme, nous renvoie aux premiers mots de la Genèse, éloquents sur un élément constitutif de l’humanité : «C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair » (Gn 2,24). En ce sens, honorer ses parents revient à les quitter pour entrer dans une fécondité promise, qui fera grandir le rapport à nos propres parents. Tobie découvre qu’en entrant dans ce chemin, il pourra apporter la guérison à son père, grâce à l’ange Raphaël (Dieu guérit). Toutefois, ce départ et ce retour peuvent être difficultueux aujourd’hui. Une raison profonde réside dans de nombreuses blessures familiales ou sociales. Peuvent notamment contribuer à cela : l’absence de figure paternelle, le couple qui prévoit des naissances comme si les enfants étaient seulement objets de désir et les éleve dans ce climat, climat insidieux renforcé par un refus de la vie systématisé dans la société (220.000 avortements par an en France). A travers ces blessures de la paternité, du couple, de la société, l’anthropologie que révèle Jésus en quittant le Père pour retourner auprès de lui est un trésor précieux. La paternité s’apprend quand l’homme se reçoit vraiment comme fils, entrant d’un cœur plus large dans une action de grâce pour la vie reçue. Chacun est appelé à identifier les médiations qui lui ont permis de recevoir la vie, de reconnaître la figure du Père, auteur de la vie.

 

2-    La fidélité à la loi qui donne vie   

Dans cette expérience concrète, nous remarquons également que nous nous opposons à la vie. C’est le constat de nos péchés, de nos limites. C’est aussi l’enjeu de notre rapport à la loi qui peut être défaitiste, volontariste ou plus intériorisé comme chemin de vie. La tentation de désespérance est réelle dans l’épreuve : ne pas comprendre tel commandement ou pratique ecclésiale, constater la récurrence de nos péchés, voire demander à Dieu de mourir comme Tobit (Tb 3,6) dans une situation extrême.  L’intégration fidèle de la loi se réalise au fil du temps, selon la façon dont elle nous a été transmise. Elle est d’abord écoute de Dieu : « Ecoute Israël » (Dt 5,2) qui nous guide par son Esprit Saint. Il est la loi nouvelle appelée à informer tout l’être du baptisé. Comment vivre de cette écoute ? C’est un défi pour la foi et la raison car, contrairement aux juifs et aux musulmans, le chrétien connaît très peu de prescriptions évangéliques rituelles ou morales. Si les dix commandements indiquent un chemin que tout homme de bonne volonté peut reconnaître, si nous voyons que souvent seule la fine pointe de notre âme est sous le régime de la nouvelle l’alliance, l’écoute de la loi nouvelle est d’abord relation. Il s’agit d’une présence à Dieu qui se vit particulièrement dans la prière et se fait charité agissante. Il s’agit également d’un assentiment religieux aux positions du magistère en essayant de comprendre en raison une disposition morale sur un sujet actuel. En se disposant progressivement à l’action de l’Esprit Saint, nous voyons aussi qu’il réalise une unité entre la vie de prière et la vie morale. Il permet que prenne sens notre être filial, conjugal. La tentation de ne pas prier, tout en observant tel commandement, telle pratique, est un chemin de perte de saveur. L’homme s’assure alors de la lettre sans l’esprit et distend sa fidélité dans une relation plus lointaine.