27 mars 2024

3/2- « L’option préférentielle » et le bien commun –

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Le bien commun

« De la dignité, de l’unité et de l’égalité de toutes les personnes découle avant tout le principe du bien commun, auquel tout aspect de la vie sociale doit se référer pour trouver une plénitude de sens. Selon une première et vaste acception, par bien commun on entend: « cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (GS 26). Le bien commun ne consiste pas dans la simple somme des biens particuliers de chaque sujet du corps social. Étant à tous et à chacun, il est et demeure commun, car indivisible et parce qu’il n’est possible qu’ensemble de l’atteindre, de l’accroître et de le conserver, notamment en vue de l’avenir. Comme l’agir moral de l’individu se réalise en faisant le bien, de même l’agir social parvient à sa plénitude en accomplissant le bien commun. De fait, le bien commun peut être compris comme la dimension sociale et communautaire du bien moral ».

Compendium de la Doctrine Sociale de l’Église (2005) § 164.

 

L’option préférentielle pour les pauvres

« Pour l’Eglise, le message social de l’Evangile ne doit pas être considéré comme une théorie mais avant tout comme un fondement et une motivation de l’action. Stimulés par ce message, quelques-uns des premiers chrétiens distribuaient leurs biens aux pauvres, montrant qu’en dépit des différences de provenance sociale, une convivialité harmonieuse et solidaire était possible. Par la force de l’Evangile, au cours des siècles, les moines ont cultivé la terre, les religieux et religieuses ont fondé des hôpitaux et des asiles pour les pauvres, les confréries ainsi que des hommes et des femmes de toutes conditions se sont engagés en faveur des nécessiteux et des marginaux, dans la conviction que les paroles du Christ « ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40) ne devaient pas rester un vœu pieux mais devenir un engagement concret de leur vie. Plus que jamais, l’Eglise sait que son message social sera rendu crédible par le témoignage des œuvres plus encore que par sa cohérence et sa logique internes. C’est aussi de cette conviction que découle son option préférentielle pour les pauvres, qui n’est jamais exclusive ni discriminatoire à l’égard d’autres groupes. Il s’agit en effet d’une option qui ne vaut pas seulement pour la pauvreté matérielle : on sait bien que, surtout dans la société moderne, on trouve de nombreuses formes de pauvreté, économique mais aussi culturelle et religieuse. L’amour de l’Eglise pour les pauvres, qui est capital et qui fait partie de sa tradition constante, la pousse à se tourner vers le monde dans lequel, malgré le progrès technique et économique, la pauvreté menace de prendre des proportions gigantesques. Dans les pays occidentaux, il y a la pauvreté aux multiples formes des groupes marginaux, des personnes âgées et des malades, des victimes de la civilisation de consommation et, plus encore, celle d’une multitude de réfugiés et d’émigrés ; dans les pays en voie de développement, on voit poindre à l’horizon des crises qui seront dramatiques si l’on ne prend pas en temps voulu des mesures coordonnées au niveau international. »

Jean-Paul II, Centesimus Annus (1991) § 57.

 

Notes sur les clés d’un discernement économique :

Dans la suite de notre parcours sur l’année de la foi, le titre de cette nouvelle période, Gaudium fidei, fait directement écho à la Constitution pastorale du Concile Vatican II Gaudium et Spes (Joie et espérance). Ce texte majeur vise à offrir aux chrétiens des outils favorisant un dialogue avec leurs contemporains. Entrepris dès la fin du XIXe siècle par Léon XIII avec la publication en 1891 de l’encyclique Rerum Novarum, ce dialogue en matière de réflexions sociales et économiques a souvent été mis à mal par plusieurs confrontations comme lors de la crise moderniste. C’est dans un souci de réconciliation avec le monde que Vatican II a voulu orienter l’Église dans un nouveau dialogue avec la société

 

La réflexion de l’Église dans le domaine de la morale ne se résume pas uniquement aux questions sexuelles et familiales. Depuis la fin du XIXe siècle, un large développement a également été entrepris par les Papes successifs en matière de doctrine sociale. Souvent moins connu des chrétiens, cet aspect de la morale est cependant déterminant dans l’élaboration d’une plus grande qualité de la vie sociale. À travers tout un ensemble de notions et de concepts, la Doctrine Sociale de l’Église offre effectivement aux chrétiens plusieurs moyens d’agir en cohérence avec leur foi, de favoriser un dialogue avec autrui et de conférer à la société une plus grande qualité humaine dans les différents domaines qui la constituent (associatifs, économiques, politiques, etc.)

Au cœur de la Doctrine Sociale de l’Eglise, les notions de bien commun et d’option préférentielle pour les pauvres permettent de comprendre que la vie économique et sociale fonctionne selon deux axes : individu – communauté et richesse – pauvreté.

  • Défini comme l’« ensemble de condition sociales qui permettent au groupe comme à chacun de ses membres d’atteindre leur perfection d’un façon plus totale et plus aisée », le bien commun peut être compris comme la dimension sociale et communautaire du bien moral. Cette première notion vise finalement à montrer que la destination universelle des biens (dont le Communisme sera un extrême) n’est pas contradictoire avec une perspective plus libérale où la propriété privée et l’initiative personnelle apparaissent comme des droits inaliénables pour tout individu. Ainsi un engagement dans un logique individuelle et personnelle (comme dans nos études) n’est pas incompatible avec une participation à une cause universelle.
  • Pour sa part, l’option préférentielle pour les pauvres est un concept mettant en avant la hiérarchie des membres d’une même société. Selon ce principe, une société digne d’elle-même doit mettre les derniers à la première place. Pour y parvenir, il est d’abord essentiel que chacun trouve sa juste place dans le corps social, sans développer de jalousie ou d’orgueil vis-à-vis des autres. Si certains reçoivent des talents, d’autres endurent au contraire une forme de pauvreté (matérielle, affective, sanitaire…)

 

Fort de ces deux notions, un discernement moral peut être mené pour orienter l’action sociale vers le plus grand bien. Cela peut conduire au refus de poser des actes au nom de certaines valeurs, à agir en vue de quelques personnes seulement ou encore à donner ce qui m’appartient en propre.

Si considérer ses talents comme une propriété privée et les identifier à ce que nous sommes apparaît comme le seul mal radical au bien commun, celui requiert au contraire de comprendre que l’homme est un être de donation, qu’il se réalise pleinement dans le don de soi et qu’il ne peut le faire que s’il s’est préalablement reçu.

Finalement, puisque nos qualités sont destinées au corps entier et que le bien commun ne s’oppose pas au bien individuel, le juste discernement d’une action économique ou sociale doit nécessairement se faire à la lumière des talents que je possède et à celle du corps social auquel j’appartiens.

 

Appelé à développer mes talents, je dois assumer l’exigence d’un travail toujours plus approfondi sur ce que je suis et ce que je peux, en vue du bien de tous. En vis-à-vis de cette exigence personnelle, il me faut garder les yeux ouverts sur l’Eglise et la Société : quels sont les signes des temps, signe de vitalité ou de fragilité de l’Eglise et de la société, que je dois prendre en considération ? Cette sensibilité au bien de tous, par une connaissance concrète de la vie religieuse, économique, politique, culturelle et artistique, me conduira à comprendre l’appel dont je peux bénéficier pour donner ma vie. La jonction entre la connaissance de soi la plus profonde et la connaissance du monde la plus large ouvre la route d’un juste discernement de sa vocation.