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Résumé du chemin parcouru et perspectives :
Les précédentes séances nous ont permis de comprendre que tout être humain était appelé à se donner pleinement pour devenir un authentique être de relation c’est-à-dire une personne. Parler de personne humaine nécessite de considérer trois dimensions fondamentales : de qui reçoit-on la vie ? À qui la donne t-on ? Avec qui la donne t-on ? Être de relation, la personne se communique aux autres par sa parole mais également par son corps. C’est d’ailleurs par son corps que le Verbe s’est donné aux hommes. Dans un contexte culturel et social où le corps est assujetti soit à un hédonisme grandissant soit à une attitude complexée et coincée, la réflexion de Jean Paul II nous oriente vers une troisième voie : le chemin de la donation totale et authentique de soi à l’autre. En cherchant à comprendre qu’elle était l’importance de notre corps dans l’expression de notre être et de notre donation, nous avons cherché à savoir ce que notre corps disait de notre personne : que dis-je de moi lorsque je donne mon corps à une autre personne ? Quels sont les gestes qui expriment la vérité qui je suis et non pas le narcissisme qui m’habite ? Le corps sexué nous est ainsi apparu comme une parole donnée en vue d’une communion totale entre deux personnes dans laquelle chacun doit apprendre à s’oublier au profit de l’autre.
Avant d’aborder la semaine prochaine le thème de la psychanalyse qui constitue un véritable enjeu missionnaire pour l’Église au vu du nombre de personnes qui se tournent vers la psychanalyse pour retrouver la paix plutôt que vers des prêtres ou vers Dieu, nous abordons ce soir la notion de loi naturelle. Cette réflexion a pour souhait de comprendre l’articulation entre ce que Dieu nous dit et ce que tout homme a d’inscrit dans sa raison naturelle. Nous voulons ainsi montrer comment tout ce qui a été dit sur le corps n’est pas une invention de l’Église mais est une réalité inscrite au sein de chaque homme et plus généralement comment ce que nous comprenons de nous-mêmes au travers de la foi n’est pas un discours déconnecté de la réalité humaine mais apparaît comme un vrai chemin permettant de devenir d’authentiques personnes humaines.
Quelle définition de l’homme ?
Pour parvenir à une définition de ce qu’est l’homme, une première voie s’offre à nous : par délibération nous pouvons nous accorder et dire que l’homme est ceci ou cela, qu’il a tels droits et tels devoirs, ou encore qu’il est une personne jouissant d’une dignité à partir de tel moment et ne l’est plus selon tel autre critère. La voie démocratique devient dès lors l’unique référence pour parvenir à une définition de la valeur humaine. Seulement, l’homme peut-il se définir par lui-même ? A-t-il suffisamment de recul pour décrire par lui-même ce qu’est la nature humaine ? Celle-ci n’est-elle pourtant pas toujours plus que toutes les définitions qu’on pourrait lui donner ? Ne transcende t-elle pas toutes les consciences collectives qui tenteraient de la saisir dans des mots, des concepts et des législations ? Cette voie démocratique porte en effet ce risque de laisser à quelques hommes le soin de définir la nature humaine selon leurs propres diagnostics, les enjeux de leur époque, et leur libre arbitre.
Face à ce véritable risque et aux dangers qu’il comprend, il convient de se demander quel critère nous permettrait de débattre en société de l’homme sans être obligés de s’en remettre à un vote collectif ? Autrement dit, quelle autre voie nous est possible pour parvenir à une définition de l’homme qui soit universelle dans le temps et l’espace ?
Le mystère de l’homme révélé dans celui du Christ.
Par son incarnation, Dieu s’est révélé aux hommes comme étant la lumière du monde. Tout chrétien considère à ce titre que le Christ ressuscité vient éclairer la raison humaine sur ce qu’est l’homme. Si chaque personne parvient par elle-même à définir ce qu’elle est, le Christ plus particulièrement nous enseigne ce qu’est l’homme. Ainsi, par sa résurrection, il nous apprend que le corps est une valeur sacrée promise à la vie éternelle. Si cette promesse nous est révélée par le Christ, toute personne, peut à la suite de cette révélation, comprendre et confirmer au moyen de sa raison que le corps est en effet une réalité sacrée qui requiert du respect. Ainsi, la révélation du Christ nous fait accéder à une définition nouvelle de l’homme à laquelle toute personne – même non croyante – peut ensuite adhérer.
Lorsqu’à la suite de cette révélation, l’Église enseigne que toute personne jouit d’une dignité égale dès sa conception jusqu’à sa mort, elle parvient précisément à traduire une expérience de foi reçue en un trésor proposé et recevable par toute conscience humaine. Autrement dit – et c’est là un critère de discernement précieux – tout ce qui est vécu dans la foi, doit pouvoir être universellement transmis à la raison humaine car la révélation de Dieu est également révélation de l’homme. Nous comprenons ainsi comment l’homme accède à la vérité sur lui-même par le détour d’une révélation. C’est d’ailleurs là un fait : avant la venue du Christ, nul homme qu’il soit religieux ou philosophe ne promeut l’amour des ennemis. Mais à la suite du Christ, tout homme de bonne volonté est capable de vouloir mettre en pratique ce commandement.
Loi naturelle et dialogue.
C’est donc par le biais d’une révélation transcendante que se comprend la loi naturelle. Et sans cette dernière, il est impossible à l’homme de parvenir à la vérité sur elle-même et d’entrer dans un dialogue juste et constructif sur la nature humaine. Si notre expérience de foi nous éclaire sur cette nature et nous fait comprendre la loi naturelle, celle-ci peut alors devenir la base d’une rencontre authentique avec nos contemporains. Tout dialogue doit pouvoir s’adresser à la raison des personnes et supposer que notre réflexion sur l’homme est parfaitement raisonnable.
La loi naturelle est ainsi la lumière donnée aux hommes par la Loi révélée. Si cette Loi venue de Dieu a d’abord pris le visage des dix paroles dans une première alliance, elle a ensuite été révélée sous les traits de l’Esprit Saint qui nous guide vers la loi éternelle : la communion avec la sainte Trinité. Aussi faut-il tenir, dans l’unité de la vérité, le don de la loi nouvelle (l’amour du Christ) qui accomplit la loi ancienne (les dix paroles), nous conduisant à recevoir la lumière sur la loi naturelle (image de Dieu) pour conduire tout homme à vivre de la loi éternelle (vie divine).