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Pendant que les Israëlites subissent à Babylone un exil qui dure près de soixante-dix ans, Dieu s’adresse à son peuple captif par l’intermédiaire de ses prophètes. Ezechiel, comme Jérémie, parle de la ruine des peuples idolâtres appelés à se convertir en même temps que l’avènement de temps nouveaux. Connu pour ses visions presque apocalytpiques, le prophète Ezéchiel voit la vie qui sort de Dieu, cette vie foissonnante, jaillissante exprimée par le feu, le souffle ou le fleuve. « Voici que l’eau sortait de dessous le seuil du Temple (…), cette eau coule vers la région de l’orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. ». Du sanctuaire jaillit l’eau vive, ce flot continu qui purifie et transforme, signe de la charité de Dieu pour le monde.
Enseignement sur le livre d’Ezéchiel
Père Jean-Baptiste Arnaud. 23 janvier 2014.
La figure d’Ezéchiel, prêtre (Ez 1,3) dans le Temple de Jérusalem, est l’occasion d’approfondir la dimension sacerdotale de notre baptême, après notre étude de la mission prophétique (livre de Jérémie, 16 janvier 2014) et royale (livre d’Isaïe, 9 janvier 2014). Si le Temple est par excellence le lieu où Dieu est présent, sa présence ne se limite pas au Temple : la gloire de Dieu se donne à voir, une ville prendra même le nom « le Seigneur est là » (Ez 48, 35). L’objet du livre n’est pas tant les prescriptions liturgiques, que l’enjeu des rites et des gestes qui habitent notre quotidien et manifestent cette gloire.
1- Visible et invisible
Chacun de nos actes, petit ou grand, pendant la messe ou en dehors, participent d’une liturgie qui rend visible l’invisible. Ainsi toute notre vie est construite sur cette brèche entre visible et invisible, entre les signes qui renvoient au mystère sans l’épuiser. Comment voyons-nous l’invisible du corps du Christ qui revêt les accidents du pain, celui du pauvre en qui Jésus est spécialement présent, celui de tout homme qui a une dignité personnelle car créé et aimé de Dieu ? Comment manifestons-nous l’invisible par nos rites, de notre rituel du lever matinal à celui de la mise d’une table, de nos gestes affectueux à la célébration de la messe ? A travers ces quelques exemples, nous percevons que l’unification de notre vie dépend de cette brèche qu’il faut s’intéresser à l’ensemble des gestes. Pour cela, nous pouvons suivre la voie de la réception et du don.
2- Réception et don
La méditation d’un passage apocalyptique comme Ez 47, nous ouvre cette voie : l’homme est de plus en plus submergé par l’eau du fleuve qui vient du Temple. Cette image peut être interprétée comme la réception de plus en plus abondante de la vie à mesure de l’avancée en âge. Les jambes de l’homme dans le fleuve traduisent une certaine passivité spirituelle qui, paradoxalement, pousse à une activité. En effet, il ne s’agit pas de se laisser porter par les événements, par le fleuve, il faut accueillir consciemment ce don de vie pour pouvoir le redonner. Néanmoins, il y a une condition préalable à ce mouvement de réception et de don : la reconnaissance de notre péché, de notre cœur de pierre (cf. Ez 36,26) est nécessaire pour recevoir un cœur de chair, puisant la Parole et les sacrements dans le cœur du Christ. Le livre insiste sur cet aspect de conversion lors des visions d’Ezéchiel au sujet des châtiments. C’est pour lui l’occasion de vivre dans sa chair la chute de Jérusalem, la déportation…Plus largement, l’image médiévale de la Bienheureuse Vierge Marie comme canal illustre bien l’interprétation de l’homme dans le fleuve dans une dynamique de réception et de don, dynamique également centrale dans le rituel du mariage (« N., je te reçois comme épouse/époux et je me donne à toi pour t’aimer fidèlement tout au long de notre vie »).
3- Vivre en ressuscité(s)
Concrètement se pose alors la question de notre manière de recevoir et donner cette vie. Autrement dit, comment vivre en ressuscité(s) ? L’épisode des ossements desséchés (Ez 37) prophétisait déjà une résurrection de la chair et soulignait sa dimension collective. Désormais, avec Jésus mort et ressuscité, il nous faut apprendre à vivre en ressuscité(s), non comme un horizon lointain mais au quotidien. Il s’agit de vivre de la résurrection aujourd’hui sans le remettre à demain. Si la Parole et les sacrements unifient notre vie, cela ne prend sens que dans la vigilance quotidienne des gestes et paroles. Par exemple, nous pouvons prêter attention à notre action de grâce intérieure, en particulier dans des moments vitaux comme celui du réveil matinal. Ce passage des ténèbres à la lumière est aussi celui de ceux qui prient dans la nuit comme les moines. Cette veille du cœur qui porte le monde nous permettra de faire grandir notre appel baptismal à être prêtre et d’imiter davantage l’unique grand prêtre, Jésus-Christ (He 9,11sv).